Cour de cassation - Conseil d'Etat - CEDH
L'escroquerie et la grande illusion
des recours personnels
A l'heure où Internet participe activement à communiquer au plan juridique, ce qui favorise la démocratie directe et la connaissance de tous en matière de droit, il convient de mettre en garde les justiciables quant à la réelle possibilité d'obtenir gain de cause devant les juridictions suprêmes, ou même tout simplement d'être reçus et entendus !
En effet il serait illusoire de croire que le citoyen lambda, y compris assisté par ministère d'avocat, puisse faire valoir ses droits devant lesdites cours.
Chacun, confronté à une justice défaillante, discriminatoire, aveugle, voire même abominable, peut être tenté "d'aller jusqu'au bout" en saisissant notamment les cours suprêmes afin, pense-t-il, de faire reconnaître son préjudice.
Or le système judiciaire entretient à dessein cette illusion, cette escroquerie mentale car en vérité tout est fait pour aboutir à une impasse, à un rejet, une non-admission du recours.
La justice (et le pouvoir) craint essentiellement une révolte spontanée et immédiate des citoyens suite à un délibéré durant l’audience, il est donc nécessaire pour elle de gagner du temps et d’entretenir une certaine croyance quant aux possibilités des justiciables d’obtenir réparation en appel puis en cassation.
Le leurre fonctionne très bien, essentiellement à cause de l’ignorance de l’immense majorité des citoyens en matière procédurale et leur croyance bien naïve en ces institutions.
« Monsieur, Madame, vous êtes insatisfait ? »
Ne vous inquiétez pas, la Cour d’appel (ou de cassation) va déjuger votre affaire, cela ne fait aucun doute, annonce péremptoirement l’avocat, pourtant principal artisan et rouage de ce système déliquescent »
« Une avance de xxxxx euros me conviendra très bien pour continuer votre lutte bien légitime, s’empresse-t-il d’ajouter ! »
Abordons les problèmes posés par les différentes cours :
1° - Le Conseil d'Etat :
Comme la plupart des autres cours suprêmes, il subit de plein fouet une importante inflation de requêtes ; celles-ci ont été multipliées par 3 en quelques années et le phénomène s'accélère.
Or la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif a « résolu » le problème. En effet son article 11 permet d’écarter tout justiciable « en toute légalité » en instaurant une procédure préalable d’admission des pourvois.
Ainsi le juge peut-il décider unilatéralement et sans besoin de motiver sa décision, qu’un justiciable n’est pas admis à faire valoir ses droits. Quel bel exemple de démocratie à la française !
Il en résulte évidemment une procédure élitiste dans laquelle le simple citoyen est maintenu dans l’illusion d’un accès à la justice de son pays
Article 11 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987
« Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux. »
Ce texte, qui a été intégré au Code de justice administrative (art. L 822-1), ouvre la voie à un système discriminatoire dont le but est à l’évidence d’écarter tout recours pouvant être gênant pour le pouvoir en place.
Car enfin qui peut répondre aux questions suivantes :
Qu’est-ce qu’un « moyen sérieux » ?
Selon quels critères, quelles définitions précises, peut-on décider ou non de l’admission d’un pourvoi, qu’un pourvoi est irrecevable ?
Aucune définition n’est proposée.
Le sieur Guy Canivet, président de la Cour de cassation et grand ami de Chirac, dans un exercice de démagogie aveuglante dont il a le secret, tente de nous faire croire, par un premier texte publié en 1997 puis un autre en 2003, que ce système de filtration mis en place au Conseil d’état et à la Cour de cassation n’est destiné qu’à permettre une meilleure administration de la justice en éliminant les recours manifestement infondés ou irrecevables qui, selon lui, entravent inutilement les procédures.
En réalité tout cela est poudre aux yeux ; l’arbitraire le plus total quant à la sélection des pourvois est de mise, selon le bon vouloir, le fait du prince ; c’est à dire du juge et de l’Etat. (perdons toute illusion quant à la séparation des pouvoirs !)
En effet, à quoi sert donc de saisir le Conseil d’Etat si au final ce dernier peut écarter cette saisine au niveau de la cassation sans avoir à motiver son refus !
L’Etat entretien ainsi une illusion de justice alors qu’il s’agit en fait d’une escroquerie mentale et intellectuelle.
2° - La Cour de cassation (toutes chambres confondues) :
Elle se situe dans une position analogue au Conseil d'Etat.
La justice, fidèle alliée du pouvoir ou des politiques en place depuis des siècles, n’a pas intérêt à ce que le peuple puisse contester ses fondements, sa machinerie interne, ses privilèges exorbitants.
Ainsi, en votant la loi organique scélérate N° 2001-539 du 25 juin 2001 dite loi Jospin 2001 relative au statut des magistrats. (entrée en vigueur au 1er janvier 2002), les députés ont tout simplement enterré tout principe démocratique lié au fait de demander des comptes à l’Etat ou à un tiers par l’intermédiaire d’une procédure judiciaire.
Peu de personnes connaissent cette loi qui est pourtant essentielle car elle détermine, en son article 27, les conditions d'admission d'un pourvoi en cassation.
Article 27
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 131-6 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :
« Cette formation déclare non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation. Elle statue lorsque la solution du pourvoi s'impose. Dans le cas contraire, elle renvoie l'examen du pourvoi à l'audience de la chambre. »
II. - Le dernier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La formation déclare non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation. »
Elle fut votée par le parlement socialiste, sous la pression notamment des syndicats de magistrats de gauche.
Le justiciable français d'après-guerre s'estimait protégé par l'obligation faite à tous les tribunaux jusqu'au plus haut niveau, de répondre à chaque instance par un descriptif de son contenu et une réponse détaillée à l'ensemble des conclusions et moyens développés. Cette obligation de motivation, alliée à la publicité des jugements, était considérée comme la principale garantie de l'impartialité et l'indépendance de la justice.
Il n'appartenait pas à la Cour de statuer à priori sur les chances de succès du recours. Elle ne pouvait l'écarter qu'en cas de non-respect de la forme (par exemple, en matière pénale, pour dépassement du délai de pourvoi - article 568 du CPP)
Désormais, la Cour écarte 95% des demandes en déclarant unilatéralement, de façon dictatoriale et antidémocratique que le recours n'est pas fondé et qu'il ne peut par conséquent pas faire l'objet d'une étude de sa part ; entraînant ainsi la non-admission systématique du pourvoi.
Ainsi, le justiciable qui « dérange » la Cour (et l’Etat), et/ou quelque justiciable « haut placé » par ses propos juridiques, se verra privé de recours au plus haut niveau en toute légalité apparente sur le fondement notamment de l’alinéa 4 de l’article 136 du Code de l’organisation judiciaire modifié par la loi scélérate du 25 juin 2001 susnommée.
Ces décisions sont d’autant plus redoutables qu’elles trouvent prétexte et appui, comme nous allons le voir infra, sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, sensée pourtant être le garant du respect des droits citoyens ; chaque Cour se « renvoyant la balle » quant au respect du droit à l’accès d’un tribunal tel qu’énoncé dans l’article 6 de la Conv ESDH.
Allons-nous vers la fin du droit écrit tel qu’instauré avec force durant la révolution française de 1789 pour s’affranchir du pouvoir discrétionnaire de l’ancien régime ?
Car comme l’écrit ;
justiciable_fr@yahoo.fr« si les décisions de justice écrites, avec description de l'affaire et réponse motivée des juges aux arguments des parties, faisaient défaut, alors les lois et décrets perdraient leur signification dès lors qu'il n'y aurait pas de jurisprudence faisant état de la manière dont ils sont interprétés et appliqués dans la pratique. Il n'y aurait pas, non plus, de garantie de l'égalité effective des citoyens devant la loi et la justice. Ce serait, à terme, le « droit » pour quelques-uns mais le pouvoir discrétionnaire à l'encontre de la grande majorité des citoyens, non pas à cause des juges mais du système mis en place. Sans motivation écrite, et publique, de tous les jugements, il n'y a pas de véritable droit écrit. »
Cette exclusion « des gueux justiciables » a commencé sous Jospin et perdure avec le gouvernement Rafarin, puis les lois liberticides de Perben et de Sarkozy.
Ces messieurs-dames de droite comme de gauche s’entendent à merveille pour fortifier leur justice de classe ; justice des (pseudo)élites.
On peut lire dans le Code de l'Organisation Judiciaire que la dernière loi en date ayant fondé cet article est la
« (Loi nº 2001-539 du 25 juin 2001 art. 27 Journal Officiel du 25 juin 2001 en vigueur le 1er janvier 2002) »
L'ouvrage « Droit et pratique de la cassation en matière civile », LITEC 2003, écrit notamment à ce sujet :
« La décision de non-admission est dispensée de motivation spéciale, sans que cette dispense soit contraire aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme… » et nous renvoie même à une décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme antérieure à la loi de 2001, suite à un recours faisant remarquer que le Conseil d'Etat rendait de plus en plus télégraphiques ses décisions sur l'admission des pourvois en cassation. Il s'agit de l'arrêt Société Immeuble Groupe Kosser c/ France, 9 mars 1999 qui dit notamment :
« l'article 6 de la Convention n'interdit pas aux États contractants d'édicter des réglementations régissant l'accès des justiciables à une juridiction de recours, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice ". (…) La réglementation relative à la saisie d'une juridiction de recours vise assurément à une bonne administration de la justice… »
C'est pourquoi, depuis quelque temps, de nombreux justiciables ayant saisi la Cour de Cassation reçoivent pour toute réponse une « décision type » dont, une fois les références de forme enlevées, le seul contenu réel est à peu près :
« Attendu qu'aucun des écrits remis ou adressés par le demandeur ou son mandataire au greffe de la Cour de cassation ne comporte l'énoncé d'un moyen de cassation de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
DECLARE non admis le pourvoi… »
Aucun descriptif du recours, aucune motivation circonstanciée.
Cette affaire est gravissime car désormais, depuis le 1er janvier 2002, tout justiciable "gênant" verra systématiquement et légalement son recours exclu avant même d'être examiné ; les cours suprêmes n'ayant pas à motiver leur refus d'admission !
Il s'agit ici d’un déni de justice caractérisé, d'une atteinte insupportable aux droits de l'homme les plus élémentaires ; celui d'être jugé par un tribunal.
Et la Cour Européenne des Droits de l’Homme entérine de facto toutes ces décisions sans état d’âme !!!
suite.....................