Circulaire portant sur les relations entre le Défenseur des enfants et l'autorité judiciaire.
La Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
à
Mesdames et Messieurs les premiers présidents des cours d'appel
Mesdames et Messieurs les procureurs généraux près lesdites cours (Métropole - Outre mer)
Mesdames et Messieurs les présidents des tribunaux de grande instance
Mesdames et Messieurs les procureurs près lesdits tribunaux
Messieurs les présidents des tribunaux supérieurs d'appel
Madame la procureure et Monsieur le procureur de la République près lesdits tribunaux
Le Défenseur des enfants a été institué par la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000. Dominique VERSINI, conseiller d'Etat at ancienne Secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion a été récemment nommée à ce poste et a succédé à la première titulaire de cette fonction, Claire BRISSET, qui a achevé en mai 2006 la mandat de six ans non renouvelable prévu par cette loi.
Cette nomination est l'occasion de rappeller le rôle de cette autorité administrative indépendante créée pour la défense et la promotion des droits de l'enfant, tels qu'ils ont été consacrés par la loi et les engagements internationaux ratifiés ou approuvés par la France, particulièrement la Convention Internationale des Droits de l'enfant de 1989.
Dans le cadre de sa mission, le Défenseur des enfants reçoit les réclamations individuelles dénonçant la violation des droits de l' enfant commise par une personne publique ou privée. Le Défenseur des enfants dispose, au niveau départemental ou régional selon la densité de la population, de correspondants territoriaux qui assurent un rôle de renseignements, d'orientation te de coordination auprès de l'ensemble des personnes concernées par la situation du mineur pour lequel une réclamation est faite.
Concrètement, les requêtes adressées au Défenseur des enfants ont concerné 2400 mineurs en 2005. Les motifs de ces saisines sont très variés puisque 26% sont liées aux conséquences des séparations entre parents et enfants, 15% aux difficultés rencontrées par des mineurs étrangers, 12% sont relatives à des mineurs en conflit avec un établissement d'enseignement.
Les autres saisines concernent des difficultés d'ordre social, particulièrement le logement,la santé, le handicap et les contestations de placement. Moins nombreuses, certaines requêtes sont liées à des problèmes d'état civil, aux établissements d'accueil autres que l'école, à l'adoption, aux liens avec un parent incarcéré ou aux risques sectaires.
La particularité de cette autorité indépendante est d'être saisie directement par les particuliers, sans l'intermédiaire d'un parlementaire.
Elle peut être ainsi saisi par :
- les enfants mineurs eux-mêmes avec, dans ce cas, la possiblité d'aviser de cette réclamation le représentant légal du mineur requérant ;
- les représentants légaux des enfants mineurs ;
- les associations reconnues d'utilité publique qui défendent les droits de l'enfant
Dans le respect du principe général lui interdisant toute intervention dans les procédures judiciaires, son champ d'intervention amène cependant le Défenseur des enfants à s'intéresser à la place de l'enfant en tous domaines, y compris lorsque les décisions judiciaires ont été rendues.
Le Défenseur des enfants est ainsi conduit à intervenir dans le secteur de la protection 0de l'enfance qui est fortement judiciarisé. Une même famille peut ainsi être concernée par plusieurs procédures civiles ou pénales concomitantes dans un même ressort.
La préoccupation commune à cette autorité indépendante et à l'autorité judiciaire, de veiller au respect constant des droits de l'enfant, rend souhaitable une meilleure connaissance de l'activité et des prérogatives du Défenseur des enfants, par tous les magistrats du siège et du parquet concernés par des contentieux relatifs aux mineurs, qu'ils soient spécialisés ou non dans ce domaine.
1 – Les obligations légales du Défenseur des enfants à l'égard de l'autorité judiciaire
<BLOCKQUOTE>
a) L'obligation de signalement et de transmission aux autorités judiciaires saisies </BLOCKQUOTE>
Aux termes de l'article 4 de la loi du 6 mars 2000, le Défenseur des enfants « porte à la connaissance de l'autorité judiciaires les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que prévue à l'article 375 du code civil ou toutes autres informations qu' il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours. Il informe le président du Conseil Général compétent des affaires susceptibles de justifier une intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ».
En raison du caractère d'urgence qu'elle revêt, la situation d'un enfant en danger paraît de nature à être signalée directement au parquet des mineurs territorialement compétent en considération du lieu de vie de l'enfant.
Il appartient au procureur de la République d'accuser réception du signalement au Défenseur des enfants, et de porter à sa connaissance les suites qu'il lui a réservées.
En outre, si le Défenseur des enfants est informé qu'une procédure judiciaire est déjà en cours à l'égard du mineur, il apparaît utile qu'il adresse au magistrat saisi, par l'intermédiaire du procureur général compétent, qui en accuse réception, toutes les informations concernant l'enfant.
Il est à noter que, dans le cadre d'un protocole entre le Défenseur des enfants et le ministère des Affaires Etrangères, pour venir en aide aux mineurs français en situation de détresse à l'étranger, des signalements peuvent être adressés par le Défenseur des enfants au procureur de la République compétent en fonction du lieu d'arrivée de cet enfant sur le territoire français.
<BLOCKQUOTE>
b) L'application de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale </BLOCKQUOTE>
En sa qualité d'autorité constituée, le Défenseur des enfants est soumis à l'obligation posée par l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale de dénoncer sans délai, au procureur de la République, les faits pouvant recevoir une qualification criminelle ou délictuelle qui sont portés à sa connaissance dans l'exercice de ses fonctions et de transmettre tous les renseignements, procés-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Cette dénonciation a vocation à être adressée, dans un soucis d'éfficacité, au procureur de la République territorialement compétent sauf si l'autorité judiciaire se trouve déjà saisie des faits. Il appartient au procureur de la République d'en accuser réception. Le Défenseur des enfants peut vérifier auprès du procureur de la République si celui- ci a déjà connaissance des faits susceptibles de constituer une infraction.
2 – Les réclamations dont est saisi le Défenseur des enfants concomitamment à une ou plusieurs procédures judiciaires en cours : le principe de non intervention.
<BLOCKQUOTE>
a) Rappel des dispositions légales </BLOCKQUOTE>
L'article 10 de la loi du 6 mars 2000 interdit au Défenseur des enfants d'intervenir dans une procédure juridictionnelle en cours et de remettre en cause le bien-fondé d'une décision de justice.
Par ailleurs, le secret de l'enquête et de l'instruction est opposable au Défenseur des enfants par l'autorité judiciaire, tenue à son égard par les dispositions de l'article 11 du code de procéjdure pénale.
En outre, s'agissant des procédures civiles, il convient de rappeller qu'aux termes de l'article 433 du nouveau code de procédure civile, les débats se tiennent sans publicité, en chambre du conseil, en particulier devant le juge des enfants en matière d'assistance éducative, devant le juge aux affaires familiales en matière de droit de visite et d'hébergement ou d'autorité parentale et devant le juge des tutelles.
Le Défenseur des enfants n'est pas habilité à demander aux autorités judiciaires, ni même aux services agissant sur mandat de justice (ASE, PJJ, secteur associatif habilité...), comunication de pièces ou dossier lorsqu'il est saisi d'une réclamation intéressant une procédure judiciaire en cours.
En effet, afin de traiter la réclamation dont il est saisi, le Défenseur des enfants ne peut adresser qu'aux particuliers et personnes morales de droit privé n'étant pas investis d'une mission de service public une demande motivée en vue d'obtenir communication de toute pièce ou dossier s'y rapportant, sans que le caractère secret des documents sollicités ne puisse lui être opposé (article 3 de la loi).
Si à l'examen des renseignements obtenus la réclamation lui paraît justifiée, le Défenseur des enfants peut adresser toutes recommandations de nature à régler la situation, uniquement à la personne physique ou morale de droit privé n'étant pas investis d'une mission de service public, notamment en lui proposant des solutions, en droit ou en équité (article 3 alinéa 2).
S'il apparaît, en outre, au Défenseur des enfants que les conditions de fonctionnement d'une personne morale de droit public ou privé portent atteinte aux droits de l'enfant, il peut lui proposer toutes mesures de nature à remédier à cette situation en lui impartissant un délai pour s'y conformer, et le cas échéant, rendre publiques les recommandations ainsi formulées (article 3 alinéa 4). Ces dispositions ne sont bien évidemment pas applicables aux juridictions.
Enfin le pouvoir d'injonction reconnu par la loi au Défenseur des enfants, dans le cadre d'une procédure judiciaire, concerne seulement la mise en demeure de toute personne physique ou morale concernée de se conformer à une décision de justice passée en force de chose jugée et restée inexécutée. À défaut, l'inexécution de la décision fait l'objet d'un rapport spécial publié au journal officiel (article 10 alinéa 4).
Sur demande expresse du Défenseur des enfants, le procureur de la République lui communiquera les informations relatives à l'inexécution de la décision de placement passée en force de chose jugée, lorsque les délais de recours sont expirés, même si le dossier d'assistance éducative est toujours ouvert.
<BLOCKQUOTE>
b) Les cas de réclamations, dont est saisi le Défenseur des enfants, mettant en cause une administration, une collectivité publique territoriale ou un organisme chargé d'une mission de service public </BLOCKQUOTE>
Lorsque le Défenseur des enfants est saisi d'une réclamation mettant en cause une administration, une collectivité publique territoriale ou tout autre organisme investi d'une mission de service public, le principe est celui de la compétence du Médiateur de la République. Celui-ci a en effet vocation à recevoir, par l'intermédiaire d'un parlementaire, « les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l'Etat, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d'une mission de service public » (loi n° 73-6 du 03 janvier 1973).
Enfin, en raison du mode se saisine directe du Défenseur des enfants par les particuliers, et conformément aux prescriptions de la loi du 6 mars 2000, une convention a été signée entre ce dernier et le Médiateur de la République afin que seules les réclamations « dont le caractère sérieux est établi » lui soient transmises pour qu'il en assure le traitement.
<BLOCKQUOTE>
c) La saisine d'autres autorités administratives indépendantes </BLOCKQUOTE>
Depuis la loi du 18 mars 2003 le Défenseur des enfants peut saisir directement la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité. Il peut également saisir d'autres autorités administratives indépendantes notamment la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (la HALDE).
3 – La promotion des droits de l'enfant
Au-delà des relations avec les autorités judiciaires évoquées dans la présente note, la loi du 6 mars 2000 a conféré au Défenseur des enfants un rôle de promotion des droits de l'enfant, notamment par l'organisation d'actions de formation et d'information sur ce thème.
Lorsqu'il lui apparaît que l'application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux droits des enfants aboutit à des situations inéquitables, il peut proposer les modifications qui lui paraissent opportunes. Il peut également suggérer toute modification de textes législatifs ou réglementaires visant à garantir un meilleur respect des droits de l'enfant.
Enfin, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant, chaque année le 20 novembre, le Défenseur des enfants rend compte de ses activités au Président de la République et au Parlement au travers d'un rapport rendu public.
Aussi, dans le cadre d'une meilleure information sur les initiatives menées dans l'interêt de l'enfant, il pourra être opportun, en particulier pour les magistrats de la jeunesse, d'associer le Défenseur des enfants ou ses représentants locaux lors des diverses manifestations organisées par les magistrats, afin de favoriser les échanges entre eux et leurs partenaires, et nourrir ainsi leurs réflexions communes sur la protection de l'enfance pour envisager d'éventuelles actions conjointes.
<BLOCKQUOTE>
Marc MOINARD </BLOCKQUOTE>