en provenance du site de Mr rosenbeirg:
LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT
ET LA LOI DU 2 JANVIER 2002, QUELS LIENS POUR QUELLE APPLICATION ?
Pour faire suite aux interventions de Monsieur Roseinczveig et de Madame Brisset sur l’applicabilité de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) en France, nous allons aborder maintenant les liens principaux existant entre la CIDE et la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. En avant propos, il est nécessaire de préciser que la loi du 2 janvier 2002 n’est pas une loi sur le secteur Enfance, mais bien une loi transversale qui concerne l’ensemble des secteurs sociaux et médico-sociaux.
Quelle influence de la CIDE dans l’application des dispositions de la loi 2002-2 dans les établissements et services ?
Quels liens entre les droits réaffirmés dans la loi du 2 janvier 2002, reconnus à toute personne accueillie ou accompagnée et les droits inscrits dans la CIDE ?
Quelle application concrète de ces droits dans les établissements accueillant des mineurs et à travers quels outils ?
Pour ce faire, nous verrons d’une part, les droits inscrits dans la loi et leurs modalités d’application, en lien avec quatre grands principes consacrés par la CIDE, et d’autre part, les outils de mise en œuvre de ces droits dans les institutions.
En partant des quatre grands principes consacrés par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant qui sont pour rappel, le principe de non-discrimination, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, le principe du droit à la vie, à la survie et au développement et le principe du respect de l’opinion de l’enfant, on peut considérer que la loi du 2 janvier 2002, dans sa partie droit des personnes, réaffirme et entérine l’ensemble de ces principes en demandant aux établissements une application concrète et durable des droits dit des « Usagers ».
En effet, la loi rappelle de manière générale que l’exercice des droits et des libertés individuelles est garantie à toute personne prise en charge, et que doivent lui être assurés notamment :
- Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité.
Si l’on s’arrête à cette première énumération de droits reconnus à tout enfant accueilli dans une structure médico-sociale, la difficulté principale pour les professionnels est de ne pas se limiter à une simple déclaration de bonnes intentions et nécessite de viser une application concrète. Ainsi par exemple, comment peut-on vérifier dans un établissement le respect de la vie privée d’un enfant ?
Comment se positionne t-on entre l’intérêt collectif et l’intérêt individuel de l’enfant ?
On peut, pour illustrer ce point, reprendre un des aspects de la vie privée qui provoque des questionnements réguliers dans les structures et qui concerne l’accès à l’espace privatif de l’enfant, c’est à dire sa chambre. Comment peut-on et doit-on préserver cet espace d’intimité qui est reconnu à chaque enfant sans méconnaître entre autres, son droit à la sécurité ?
Le respect de la sphère privative passe premièrement pour le professionnel par l’application précise de son obligation d’information sur le fonctionnement de la structure, sur l’utilisation des locaux, sur les droits et obligations de chacun, sur les limites éventuellement posées par l’institution quant à l’utilisation de passes ou de clés sans l’accord préalable de l’enfant ou en dehors de sa présence. Poser un cadre et informer les acteurs de manière adaptée et compréhensible permet à chacun de prendre la place qui est la sienne.
On ne peut pas comme cela peut se voir dans certaines institutions, préciser que chaque enfant peut ou doit personnaliser sa chambre, la décorer et se l’approprier tout en lui faisant comprendre qu’à tout moment les professionnels de la structure pourront rentrer sans conditions et informations préalables dans son espace privatif.
La vie en collectivité amoindrissant forcément l’exercice des libertés individuelles, il est d’autant plus nécessaire de reconnaître à chacun un espace d’intimité.
C’est en travaillant des limites négociées, explicitées et consenties avec et par l’enfant que l’on pourra concrètement respecter le droit à la vie privée et le droit à la sécurité sans en faire des droits antinomiques, car assurer la sécurité de l’enfant ne passe pas par la négation de son droit à la vie privée.
Autre série de droits, inscrits dans la loi 2002-2, en lien direct avec l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est son droit à une prise en charge et à un accompagnement individualisé de qualité qui favorise son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, tout en respectant son consentement libre et éclairé qui doit être recherché systématiquement s’il est apte à exprimer sa volonté. Plus concrètement, ce sera, notamment par le biais du projet personnalisé de l’enfant, élaboré avec sa participation et celle de ses représentants légaux que l’on travaillera cette notion d’accompagnement individualisé. Concernant la participation, le texte est très précis, puisque doit être assurée à l’enfant la participation directe ou avec l’aide de ses représentants légaux, à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil, d’accompagnement le concernant.
La loi nous demande de nous éloigner de l’idée de besoins présumés et préconçus inévitablement propres à population désignée, pour aller vers un projet singulier et partagé qui vise à la promotion de chaque enfant. Promotion qui passe par une recherche de consentement de la part des titulaires de l’autorité parentale mais également de l’enfant si celui est apte à exprimer sa volonté.
La loi rappelle, d’autre part, le droit à la confidentialité des informations le concernant. Rappel encore une fois du fait que la confidentialité est bien un droit pour l’usager et un devoir pour le professionnel et non l’inverse. En lien avec le droit au respect de la vie privée, seul l’enfant est maître de déterminer les limites de sa vie privée et de consentir à les repousser.
De même, quand le législateur consacre le droit à tout usager d’accéder aux informations, documents relatifs à sa prise en charge, c’est un rappel du principe évident mais souvent oublié que les professionnels ne sont en aucun cas les propriétaires des informations concernant l’enfant accueilli, ils n’en sont que les dépositaires. De ce fait, toute personne dans le respect des décisions de justice, notamment, doit pouvoir accéder à l’ensemble des informations écrites la concernant.
Ce qui nécessite concrètement dans les structures, de se réinterroger sur « son rapport à l’écrit » et de veiller à ce qu’une procédure de délivrance des informations soit clairement établie.
Toujours dans le sens d’un maximum de transparence dans la relation, les professionnels des établissements doivent veiller à donner une information sur les droits fondamentaux, les protections particulières et les voies de recours existants, et ce, de manière claire et adaptée.
Par ce biais, le législateur précise à nouveau le rôle de chacun dans l’accompagnement à la citoyenneté des enfants et rappelle également que ce n’est pas parce que l’on est accueilli dans un établissement social ou médico-social que l’on devient une sous-catégorie de citoyen. Où que l’on soit, quelque soit nos difficultés, nous bénéficions des mêmes droits, et dans tous les cas nous devons pouvoir faire valoir pleinement ces droits.
C’est pourquoi, le citoyen fragile doit se voir garantir une aide minimale pour rester ou devenir un citoyen en plein exercice.
Dernier droit rappelé par la loi et déjà inscrit dans la CIDE, c’est le droit à une vie familiale pour lequel le législateur introduit deux éléments principaux. Dans le respect de l’intérêt de l’enfant et des décisions de justice, il est demandé d’une part d’éviter la séparation et d’autre part d’établir un projet propre à réunir les membres de la famille dans les plus brefs délais.
Ainsi, à la lecture des textes, il est clair que l’ensemble des dispositions relatives au droit des personnes n’est pas une nouveauté en soi, mais bien une réaffirmation de droits déjà existants, et l’innovation de cette loi, au delà de ce rappel nécessaire, réside dans le fait que législateur ne s’est pas contenté d’énumérer des droits, il a ensuite rendu obligatoire un certain nombre d’outils les garantissant.
En effet, pour appliquer de manière concrète et en pratique ces droits, les institutions doivent désormais mettre en place un certain nombre d’outils pour passer d’une énonciation à une mise en œuvre réelle des droits.
Pour information, le législateur a instauré sept instruments qui sont les suivants :
- la charte des droits et libertés de la personne accueillie,
- le livret d’accueil,
- le règlement de fonctionnement,
- le contrat de séjour ou document individuel de prise en charge,
- la personne qualifiée,
- le conseil de la vie sociale ou autres formes de participation,
- Le projet d’établissement.
Pour vérifier le lien existant entre la mise en œuvre de ces outils et l’application des droits, nous pouvons prendre pour exemple, le livret d’accueil et le contrat de séjour / document individuel de prise en charge (DiPC).
En quoi le livret d’accueil permet-il d’appliquer concrètement certains droits reconnus aux personnes accueillies ?
Il faut pour cela reprendre l’objectif et les modalités d’élaboration du livret. Le livret est un moyen d’apporter des informations claires et concises sur l’organisation interne. Il doit permettre à l’enfant d’avoir une connaissance immédiate du fonctionnement général de l’établissement, ainsi qu’une connaissance des futures relations qu’il pourra entretenir avec celui-ci. C’est pourquoi, il est nécessaire que son contenu et sa forme soit adaptés à la capacité et à la compréhension des enfants.
Outil primordial de communication, il devient un moyen de donner des informations entre autres, sur les droits, de garantir à travers un support écrit, l’exercice le plus effectif possible de ces droits, d’accroître la lisibilité de la structure pour l’enfant accueilli et sa famille en lui présentant « le mode d’emploi ».
Partant de là, ce n’est plus l’enfant qui se présente, mais bien la structure visitée qui fait preuve de la plus grande transparence possible.
En ce sens, le législateur voit dans cet outil un autre objectif fondamental qui est celui de prévenir les risques de maltraitance. Même si nous savons tous que ce n’est pas un livret d’accueil bien rédigé qui va écarter tout risque de maltraitance, l’intérêt à ce niveau se situe dans le développement de la transparence et de la lisibilité des structures, du début à la fin de la prise en charge. Ceci devant permettre de tendre vers cet objectif.
Un autre outil illustrant la mise en œuvre concrète des droits est bien évidemment le contrat de séjour ou le DIPC.
Pourquoi défendre une telle position ? bien souvent cet outil fondamental qui est un des principaux éléments garantissant à toute personne accueillie le respect de ses droits, fait l’objet de réticence, voir de résistance.
On a tendance à se dire que la contractualisation va figer les relations, va être contraire à la souplesse nécessaire à n’importe quel accompagnement, en oubliant le sens même de cet outil et l’intérêt de l’individualisation de la prise en charge.
Tout d’abord, reconnaître à l’autre la capacité de contracter, c’est enfin lui reconnaître la place qui est la sienne, la place d’acteur de sa prise en charge mais surtout de citoyen reconnu capable de s’engager et de consentir.
D’autre part, le contrat tel que proposé par le législateur porte sur des points limités permettant de considérer que le document dont il est question, est la base des premiers engagements posés entre l’établissement et le bénéficiaire et en aucun cas un contrat portant sur l’ensemble des éléments de l’accompagnement, enfermant les parties en les obligeant par exemple à contracter sur d’éventuelles performances humaines.
Quand on parle d’objectifs à définir dans le contrat dès l’admission, il s’agit bien entendu d’objectifs généraux qui permettent cependant a minima pour chacune des parties de poser les éléments principaux de la relation établie.
Sachant qu’il doit s’attacher à concilier la demande de l’enfant/ de ses parents (c’est à dire les besoins exprimés par lui), et l’analyse faite par l’équipe professionnelle (c’est à dire les besoins envisagés en dehors de lui), il va fixer les moyens mobilisés de part et d’autre pour assurer la réalisation concrète du projet personnalisé de l’enfant et non s’enfermer dans une obligation de résultats.
C’est pourquoi, l’intérêt premier de cet outil réside dans la nécessité de négocier (dans la mesure du possible) son contenu, de poser une relation d’égalité de droits la plus large possible entre les parties et une réciprocité dans les devoirs de chacun.
La recherche de l’accord de volontés entérine la participation, l’individualisation et le respect de l’opinion de l’enfant à sa juste mesure.
Enfin, en tout état de cause, le contrat qui est le support nouveau de ce que réalisent déjà les équipes de professionnels sur le terrain amène à formaliser plus clairement les accompagnements et détermine la place des professionnels et de la personne accueillie, en reconnaissant à chacun son rôle dans la relation posée.
En guise de conclusion, je me contenterai de citer la phrase d’un éminent magistrat, Président du Tribunal pour Enfants de Bobigny, qui lors d’un entretien avec un journaliste de Lien Social avait précisé le point suivant : « on place un objet sur un meuble, mais on accueille un enfant… ».
C’est ce à quoi vous invite la loi du 2 janvier 2002 ; et chercher à appliquer cette loi, c’est par là même rester dans la continuité des principes inscrits dans la CIDE.